Guyane, Brésil, Madagascar et Congo, le parcours d’un chercheur en sylviculture des plantations tropicales

26/05/2025
Quatre pays tropicaux parcourus, une compréhension approfondie des écosystèmes forestiers et de solides contributions dans le développement des connaissances sur la gestion durable des plantations forestières en milieu tropical ; après quarante ans de carrière au Cirad, Jean-Pierre Bouillet, chercheur de l’UMR Eco&Sols prend sa retraite cette année en laissant derrière lui un héritage riche, de connaissances et de bonnes pratiques, qui profiteront à ses collaborateurs de recherche, aux acteurs du développement et à plusieurs jeunes chercheurs. L’augmentation des populations et, de ce fait, des besoins en bois, ainsi que les potentialités des pays tropicaux en matière de développement des plantations forestières l’ont convaincu de suivre une carrière centrée sur la sylviculture des plantations en milieu tropical. Il nous raconte son parcours et nous partage des leçons apprises au long de sa carrière.
Dr. Jean-Pierre Bouillet © M. Rananja, Cirad
Dr. Jean-Pierre Bouillet © M. Rananja, Cirad

Dr. Jean-Pierre Bouillet © M. Rananja, Cirad

Les premiers pas : La Guyane et Madagascar

En 1985, Jean-Pierre Bouillet, passionné de forêts tropicales, rejoint le Cirad. Son premier poste, celui de chef de la section « plantations forestières » au CTFT-Guyane, lui permet d’acquérir une vision plus affinée du milieu forestier tropical, ayant renforcé sa connaissance des écosystèmes et en même temps sa conviction du potentiel des plantations forestières pour la préservation des forêts naturelles et la satisfaction des besoins des populations. En 1986, il s’envole pour Madagascar où il sera chef de mission du Cirad-Forêt et responsable, au sein du DRFP-Fofifa, des recherches sur la sylviculture des pins et des eucalyptus jusqu’en 1995. Durant cette période, il développe de fortes collaborations avec les acteurs nationaux du développement comme Fanalamanga, ayant permis d’appliquer rapidement les résultats de recherche sur le terrain. Il s’intéresse aux spécificités des écosystèmes tropicaux de plantation, ce qui l’a conduit à passer une thèse à l’ (Ecole nationale du génie rural, des eaux et des forêts) , soutenue en 1993, et à co-animer l’Unité de Recherche « Sylviculture et Aménagement » du Cirad-Forêt de 1994 à 1997.

Des recherches combinés à des attributions de management

De 1995 à 2001, il prend la direction de l' au Congo, une structure qui poursuit les activités du CTFT-Congo. La mission est claire : équilibrer la représentation des partenaires fondateurs et faire de cette unité un centre de recherche internationalement reconnu. C'est dans un contexte politique instable (guerre civile de 1997-1998) et de contraintes budgétaires qu’il a relevé ce défi.
En 2001, de retour en France, Il prend la tête de l’équipe « Fonctionnement et pilotage des écosystèmes forestiers de plantations » au Cirad-Forêt. Dans cette fonction, il œuvre pour créer un collectif scientifique solide, qui aboutira en 2005 à la création de l’Unité Propre de Recherche - UPR 80. En 2011, l’UPR 80 rejoint l’, validant l’importance et la pertinence de l’approche scientifique développée et des travaux menés.

Entre enseignement et recherche internationale

En 2008, un nouveau défi l’attend au Brésil, où il se lance dans l’étude de l’intensification écologique des plantations forestières à croissance rapide. Avec en premier lieu l’intégration de légumineuses comme les acacias dans les plantations d’eucalyptus pour améliorer leur productivité tout en préservant l’environnement. Ce projet fait l’objet de nombreuses collaborations internationales, avec des financements de l', de la Fapesp (agence de financement pour la recherche de l’état de Sao Paolo), de la Capes (Coordination de perfectionnement du personnel de l’enseignement supérieur), d’ et de l’
En parallèle, il devient professeur visitant à l', où il donne des cours sur l’intensification écologique des plantations forestières. Il encadre plusieurs thèses de doctorat et de master, et sa carrière prend ainsi une nouvelle dimension avec l’ajout de l’enseignement à ses activités.

En 2016, il retourne à Madagascar, où il s’investit dans des projets de recherche et de développement portant sur l’intensification écologique des écosystèmes forestiers plantés, plantations et systèmes agroforestiers, et la séquestration du carbone. Il coordonne des projets européens et mène des expertises pour diverses organisations nationales et internationales, tout en continuant à encadrer des thèses et des masters. Il applique les leçons tirées de ses travaux au Congo et au Brésil, en introduisant des pratiques de gestion durables et accessibles aux producteurs locaux.

Aux jeunes chercheurs, je dirais que c'est très important de s'investir à fonds dans la recherche; parce qu'en retour, la recherche apporte beaucoup : au niveau connaissances, on est content d'avoir découvert, de publier et d'être en relation avec les acteurs parce qu'au Cirad on parle de recherche pour le développement. C'est très très important, on ne fait pas de la recherche tout seul.

Jean-Pierre Bouillet
Chercheur en sylviculture, Cirad

Une vision de la sylviculture : conjuguer recherche et pratique

Son approche de la sylviculture repose sur une conviction profonde : on ne peut pas bien gérer des plantations sans comprendre leur fonctionnement. Il l'a démontré à travers ses travaux sur les cycles de l’eau, des éléments minéraux et du carbone dans les plantations, mais aussi par sa capacité à appliquer ces connaissances sur le terrain. 
Sa vision a évolué au fil du temps. Si ses premières expatriations l’avaient conduit à développer des pratiques sylvicoles adaptées aux grandes plantations industrielles, son retour à Madagascar l’a amené à adapter les connaissances scientifiques aux réalités des petits producteurs locaux. En l'occurrence, il a développé des recommandations simples mais efficaces pour les reboisements villageois, comme l’utilisation de trous de grande dimension pour favoriser le développement racinaire des plants, la nécessité de désherber autour des arbres pour limiter la concurrence et l’application d’une fertilisation limitée pouvant doubler la production des peuplements, dans le cadre des projets ARINA puis .

 

Ce qui est très important c'est d'arriver à développer ces plantations forestières, pour répondre aux besoins des populations et du marché d'une manière générale, mais de les faire de manière durable et pratique; c'est à dire trouver des pratiques applicables, pas onéreuses et qui correspondent au contexte local.

Jean-Pierre Bouillet
Chercheur en sylviculture au Cirad

À ce jour, Jean-Pierre Bouillet est auteur ou co-auteur de 95 publications scientifiques dans des revues internationales. Mais à côté de ce succès académique, son mantra est que les recherches ne sont efficaces que lorsqu’elles sont partagées et appliquées sur le terrain. Aujourd'hui, son héritage guide ses collaborateurs et les générations futures dans cette quête continue de la durabilité environnementale et de la réponse aux besoins des populations.