Vers une agriculture sans pesticide à Mayotte ?

02/12/2020
A l’occasion de la semaine Expophyto à Mayotte du 2 au 7 novembre, une conférence organisée pour le grand public s’est tenue au nouveau Pôle d’Excellence Rural (PER) de Coconi à Mayotte. Cette conférence intitulée « Une agriculture sans pesticide à Mayotte », à laquelle a participé le Cirad avait pour but de sensibiliser la population aux risques engendrés par l’utilisation irraisonnée des pesticides (notamment les insecticides) et d’exposer des solutions alternatives aux produits chimiques.
Paysage Mayotte
Paysage Mayotte

©P. Ryckewaert, Cirad

Outre le Cirad (représenté par Philippe Ryckewaert), trois autres organismes étaient invités comme conférenciers à la conférence, le service alimentation de la DAAF (Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la fôret/, la CAPAM (Chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture) et l’EPN agricole (Etablissement public national) de Coconi.

Un état des lieux de l’utilisation des pesticides à Mayotte

Aujourd’hui, si les herbicides ne sont presque pas utilisés en agriculture à Mayotte, il n’en est pas de même pour les insecticides, du fait des nombreux insectes ravageurs qui menacent les cultures, et notamment les mouches des fruits et des légumes. C’est le maraîchage qui est le principal secteur consommateur de pesticides.

Il en résulte :

  •       Une utilisation abusive de ces produits phytosanitaires, sans respect des doses, des délais avant récolte et des homologations de ces substances chimiques. Cette problématique est particulièrement présente chez les agriculteurs non déclarés, qui ne sont pas encadrés et utilisent aussi des produits dangereux importés illégalement et interdits en Europe.
  •      Un risque sanitaire tout aussi important pour ces agriculteurs et leurs proches, mais aussi pour les consommateurs de leurs productions dont certaines présentent des résidus de pesticides (tomates, concombres, courgettes, salades…). Toutefois, on retrouve aussi ces problèmes chez les agriculteurs déclarés.

 

Des propositions de solutions alternatives à la lutte chimique

Depuis plusieurs années, la recherche et le développement, en partenariat avec la profession, expérimentent et proposent des alternatives à la lutte chimique intensive afin de limiter les risques de cette méthode et réduire fortement l’usage de pesticide.

Production de plants sains d’agrumes sous serre insect-proof

©J. Huat, Cirad

  • Dans un premier temps, il faut respecter des mesures prophylactiques tel qu’un vide sanitaire, des rotations, la mise en place de plants sains par exemple.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Production de courgettes sous filet anti-insectes

©T. Chesneau, EPN Coconi

  • L’utilisation de filets anti-insectes est aussi une méthode de lutte physique qui permet de protéger les cultures vis-à-vis des mouches des Cucurbitacées. Ces filets sont disposés sur des structures plus ou moins hautes, voire sur des serres. Malgré les coûts d’investissements, ces filets sont rentabilisés en étant utilisés sur plusieurs cycles maraîchers. 

 

 

 

 

 

 

Cependant, cette technique entraine quelques contraintes et inconvénients : manipulations pour l’installation, ouverture nécessaire pour des opérations culturales (récolte, etc.), mais aussi pour la fécondation manuelle des fleurs de courgette car les abeilles et autres pollinisateurs ne peuvent y accéder, tout comme certains auxiliaires (prédateurs des ravageurs).

Le développement de la lutte biologique naturelle est également une voie alternative prometteuse en utilisant et favorisant les auxiliaires des cultures tels que les prédateurs des ravageurs de cultures (coccinelles, syrphes…) et les parasitoïdes d’insectes, déjà présents à Mayotte. Dans ce cas, il ne faudra pas utiliser d’insecticides qui tueraient ces organismes, et il conviendra plutôt de mettre en place ou de préserver des milieux naturels à proximité des cultures qui leur serviraient d’habitat pour leur nourriture, leur reproduction, assurant ainsi leur présence continue sur l’exploitation. Cependant ces aspects nécessitent encore des recherches car cette entomofaune et son efficacité sont encore mal connues sur l’ile.

syrphe butinant une fleur en bordure d’un champ

©C. Gourmel, Biosavane

Des principales questions émises par le public, il ressort qu’il y a une insuffisance de transfert de ces techniques innovantes, liée notamment au manque de conseillers agricoles sur le terrain. Les projets du RITA (Réseaux d'innovation et de transfert agricole) en cours qui intègrent les partenaires du développement et de la formation (Capam, EPN Coconi), de la recherche (Cirad) et des professionnels agricoles (Coopac, ASSM) visent à pallier cette carence.