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Quels impacts et limites des observatoires sur les politiques foncières en Afrique?

Prise de vue aérienne par drone de terres à Betafo © Q. Grislain, Cirad
Un grand nombre d’observatoires des politiques foncières a été mis en place dans le continent africain depuis les années 90 pour alimenter les débats et éclairer les politiques sur le foncier. Mais que sont-ils devenus? Est-ce qu’ils contribuent efficacement à mieux comprendre les réalités du terrain et à les faire entendre aux décideurs dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques? Une étude menée par des chercheurs du Cirad au sein du réseau Think Tany a permis d’interroger le fonctionnement et les trajectoires des observatoires ainsi que leurs impacts sur l’action publique dans le champ du foncier dans différents pays d’Afrique.
Les observatoires du foncier pour produire des connaissances et orienter les politiques?
Dans un contexte de promotion de politiques foncières visant à mieux s’appuyer sur les données de terrain et les connaissances disponibles (evidence-based policy) , les observatoires du foncier n’ont pas toujours été efficaces pour répondre à l’objectif de production de ces connaissances pour la construction et la mise en œuvre des politiques.
Plusieurs observatoires du foncier n’auront été opérationnels que durant une courte période, comme celui du Mali qui a duré 4 ans, de 1994 à 1998. D’autres se maintiennent plus longtemps sans contribuer activement aux objectifs de production de connaissances comme l’observatoire du foncier du Tchad (créé en 2001). D’autres, parviennent à se maintenir dans la durée tout en contribuant à la production de connaissances et à l’animation des débats sur le foncier, c’est le cas de l’observatoire du foncier de Madagascar, opérationnel de 2007 à 2019.
Un aperçu de l’observatoire du foncier à Madagascar
Entre 2007 et 2019, l’équipe de l’observatoire du foncier à Madagascar, par ses compétences et réseaux complémentaires pour mobiliser des fonds et accéder aux terrains et aux personnes-ressources, a réussi à produire des données et des analyses sur l’évolution de la réforme foncière (suivi et effets de la décentralisation de la gestion foncière) et sur des thèmes d’actualité pour alimenter les débats et inscrire de nouvelles thématiques à l’agenda politique (acquisitions foncières à grande échelle). L’équipe s’est également investie dans la diffusion des résultats sous des supports variés à destination des divers publics cibles et a réussi à les mettre en débat en réunissant les différents représentants des acteurs de la réforme foncière (société civile, opérateurs du développement, ministères sectoriels, etc.). Ces activités ont conféré une forte visibilité et légitimité à l’observatoire, ont contribué au renouvellement de ses financements et ont fait de l’observatoire l’un des animateurs principaux des débats de politique foncière pendant une dizaine d’années. Cependant, les revirements de la politique foncière malgache en 2020 et 2021 l’ont fortement fragilisé et il est aujourd’hui peu actif.
Quelles difficultés entravent les missions des observatoires du foncier ?
Les recherches ont démontré que d'une manière générale, il y a une sous-estimation des besoins de fonctionnement des observatoires notamment en termes de ressources humaines formées et dédiées à plein temps et de moyens financiers et logistiques. Et de la même manière, le temps estimé pour la structuration de l'organisation, son insertion dans des réseaux et le développement de ses partenariats dans un territoire donné est aussi sous-évalué. Parmi les principaux facteurs de blocage à la pérennité et l’efficacité des observatoires fonciers figurent : le décalage entre les financements octroyés aux équipes, qui sont souvent limités et fragmentés dans le temps, et les hautes ambitions et fonctions assignées aux observatoires fonciers, le turn over au sein des institutions de rattachement et/ou des équipes des observatoires, la fragilisation du réseau de soutien initial, l’absence d’un entrepreneur expérimenté capable de porter le projet dans la durée, des agents de terrain « double casquette » impliqués dans de nombreuses activités en parallèle ou encore les conflits de visions sur ce que devrait être et faire l’observatoire.
Des pistes de réflexion pour renforcer la conception des observatoires fonciers
De l'importance de l'ancrage dans un réseau solide
La réussite d’un observatoire foncier ne tient pas seulement à sa pertinence scientifique ou à ses ambitions politiques. Elle dépend avant tout d’un contexte favorable et d’un réseau d’acteurs engagés. Là où les processus de réformes foncières bénéficient d’un climat politique ouvert, où le débat public est encouragé et où la production de connaissances est valorisée, les observatoires trouvent plus facilement leur place. Mais cette émergence ne suffit pas : il faut aussi la stabilisation d’un collectif d’acteurs – chercheurs, bailleurs, fonctionnaires – convaincus de l’utilité d’un tel outil, capables de défendre son existence sur le long terme.
Pour des observatoires réalistes : adapter les missions aux ressources
Les ambitions affichées par certains observatoires fonciers doivent parfois être revues à la baisse. Faute de moyens humains et financiers suffisants, il devient essentiel de recentrer les priorités. Un observatoire à vocation scientifique doit s’appuyer sur un cercle restreint d’experts capables de s’engager durablement dans des enquêtes rigoureuses. À l’inverse, un observatoire tourné vers le plaidoyer gagnera à être agile, porté par une figure dynamique capable de faire circuler l’information, de mobiliser des données existantes et de stimuler le débat public sur les enjeux fonciers.
Des observatoires qui évoluent pour s'adapter aux réalités
Les missions et les activités d’un observatoire peuvent évoluer au cours du temps, par choix ou par contrainte. Par exemple, l'accent peut être mis sur une thématique à la fois scientifique et opérationnelle, de manière ponctuelle ou dans la durée. Un observatoire foncier peut ainsi produire dans le temps long des données répétitives avec un objectif de suivi (notamment de la mise en œuvre et des impacts d’une nouvelle politique foncière sur le territoire), mais aussi produire des données ponctuelles sur une période donnée pour animer le débat national, mettre à l’agenda de nouvelles thématiques et soulever des controverses (comme par exemple le phénomène des acquisitions foncières à grande échelle).
Ainsi, la pérennité des observatoires repose sur un ancrage institutionnel fort, une définition claire de leurs objectifs en fonction des ressources disponibles, et une capacité à évoluer au rythme des contextes socio-politiques et institutionnels. Plus qu’un simple outil technique, l’observatoire foncier est un acteur à part entière du débat public.